DONNONS LA PAROLE A NOS PRODUCTEURS LOCAUX :

Entretien avec

Michel d’Harveng : Viti-viniculteur au CLOS DE MOSTOMBE

Michel, pourquoi as-tu choisi ce métier et quel sens cela a-t-il pour toi ?

En tant que notaire, j’ai une clientèle locale. L’étude notariale est dans ma famille depuis plusieurs générations. J’avais à cœur d’exercer une activité complémentaire en dehors de la tradition familiale.

De plus, ça me permet de vivre mon autre passion : vivre un quart du temps en Bourgogne. Quand j’étais plus jeune, nous étions très souvent dans une seconde résidence en Bourgogne.

Le caractère emblématique de la Bourgogne c’est de produire du vin, et je me suis dit, pourquoi pas produire du vin.

Avec le réchauffement climatique, nous pourrions atteindre ici les températures de la Champagne d’il y a 50 ans, ou peut-être de la Bourgogne d’il y a une centaine d’années. Et puis, je me suis intéressé aux variétés adaptées à notre région et aux technologies qui permettent de produire en bio.

J’étais fort attiré par les travaux de l’Institut Changins à Lausanne (Haute école de viticulture et œnologie) et j’ai ramené le Divico, un plant testé par le Cercle horticole et viticole de Huy. Ce cercle de vignerons amateurs avait démontré que le plant s’adaptait tout à fait dans la vallée de la Meuse. J’y ai cru. J’ai eu l’opportunité d’acheter 600 pieds et je me suis fait bousculer par les opportunités : les 600 pieds sont devenus 5100 pieds en 2018.

A l’époque, c’était un petit peu novateur. Aujourd’hui, cinq ans après, tout le monde se dit : « Pourquoi pas la vigne ? »

Avec la crise du COVID, tout le monde s’est rendu compte qu’il y avait moyen de s’alimenter à proximité. L’étape suivante, c’est de boire local et d’avoir un vin que l’on pourra offrir à ses amis sans devoir faire 200 kilomètres avec sa voiture pour aller le chercher. 

Et ça fait manifestement plaisir à ma clientèle comme notaire de trouver un produit local. Ce sont deux activités distinctes, mais qui touchent un même public.

Je suis très étonné de l’accueil. On parle de mes bouteilles même si je n’en ai vendues que quelques centaines. Très modestement, j’essaye de faire des bouteilles qui soient agréables à boire.

Michel d'Harveng

“J’avais à cœur d’exercer une activité complémentaire en dehors de la tradition familiale.”

Clos de Mostombe

“C’est plus tranquille d’arriver à produire un vin que de devoir courir à gauche à droite en intervenant dans les moments importants de la vie des gens.”

Vini vidi viti

La magie du vin

Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de terroir. Le vin, c’est tout sauf une production standard. Nous avons la chance en Wallonie d’avoir des terrains très différents, très variés, donc il y aura de la place pour tout le monde pour faire de la vigne avec des bouteilles qui auront des goûts différents.

Je cherche une démarche où les consommateurs viennent vers le producteur. Je crois qu’il y a vraiment une curiosité de voir comment on produit quelque chose et donc, je veux ouvrir ma cuverie pour qu’on puisse voir comment on produit du vin, tout simplement, dans des grandes cuves qui ne sont jamais que des grandes casseroles d’un cuisinier, de voir un peu de comment la magie s’opère. Par boutade, je pense parfois que certains croient que l’on retrouve sur la vigne la bouteille toute faite.

La bouteille vient quand même après quelques étapes, pour lesquelles au début, on ne maîtrise pas le nombre d’heures qu’il faut consacrer : pour planter, pour entretenir le terrain, récolter le fruit, le vendanger, le presser, arriver à faire un jus, arriver à le faire fermenter correctement pour avoir de l’alcool, à élever son vin, à l’embouteiller, mettre une étiquette… Il y a 36 étapes qui ont toutes leurs exigences.
La magie du vin, c’est que c’est un produit culturel que vous produisez avec des étapes sur 12 mois. Vous êtes obligés de rentrer dans un enchaînement d’opérations qui est assez exigeant, mais qui vous structure aussi dans votre occupation et c’est ça qui est intéressant parce que vous comprenez que les choses ne peuvent pas se faire à l’envers, elles doivent se faire dans une continuité. C’est très différent d’un métier de notaire où vous passez d’un dossier à l’autre, vous revenez avec des gens qui se marient, des gens qui achètent, des gens qui divorcent, et vous refaites la vie dans tous les sens.

La vigne, c’est un peu un fleuve tranquille. Vous êtes obligés de commencer au printemps certaines étapes et continuer l’été, vendanger l’automne et puis s’occuper de la cuverie l’hiver, et ça recommence.  C’est plus tranquille d’arriver à produire un vin que de devoir courir à gauche à droite en intervenant dans les moments importants de la vie des gens.

Voilà pourquoi ces formations de notaire et de vigneron, peut-être un petit peu étonnantes, ont beaucoup de sens au niveau d’un équilibre de vie tout simplement.

Q&R

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton activité ?

Ce qui me plaît le plus, c’est étonnamment la quantité de petits défis, de trouver tous les jours une solution à un problème. Tiens, il y a des sangliers ou bien trop de lapins à un moment donné sur votre terrain, des chardons qui poussent ou des chénopodes… Si on a une invasion de campagnols, est-ce qu’on ne serait pas bien d’aider un faucon crécerelle à se maintenir ? Est-ce que je ne ferais pas mieux de mettre des nichoirs pour avoir des mésanges ? Parce que les mésanges, ça mange leur poids d’insectes chaque jour, et donc dans une vigne si vous avez trop d’insectes, la mésange pourrait venir à la place des pesticides pour équilibrer. C’est de se rendre compte qu’à chaque problème il y a une solution à laquelle on n’a pas forcément pensé au début.

De se rendre compte qu’on ne peut rien faire tout seul, ça aussi c’est très important. De pouvoir s’entourer des bonnes personnes, qui partagent si possible la même passion, mener une équipe aussi bien au bureau qu’à la vigne, qu’à la cuverie et peut-être à la vente des produits.

“Se rendre compte qu’on ne peut rien faire tout seul.”

Qu’aimerais-tu dire aux Andennais  ?

Ce que j’aimerais dire aux Andennais, c’est qu’ils doivent protéger absolument la nature, leur région, parce qu’elle est très diversifiée. Avoir un lien avec sa région, son terrain, ça donne beaucoup de plaisir. On va peut-être au-devant d’autres difficultés de dépendance alimentaire, et donc il faut se rendre compte que l’on vit dans une région qui a beaucoup d’atouts et qu’il faut mettre en valeur. Il y a encore moyen de faire des activités. Les terrains sont là, on peut faire son bois pour se chauffer. L’hiver dernier, les prix du carburant et de l’énergie sont remontés en flèche, et donc si vous avez la chance d’avoir une petite parcelle vous pourrez faire votre bois. Moi, je fais mon vin, d’autres feront peut-être d’autres légumes, d’autres planteront des arbres fruitiers… Il y a moyen d’avoir une panoplie d’aliments tout autour de soi, et donc j’en profite pour dire qu’à chaque terroir, il y a une activité qui peut générer du plaisir et des aliments pour tous.

Vous êtes les bienvenus pour découvrir mon vin au 29 rue de Liège. J’ai l’occasion d’acquérir une vieille ruine industrielle le long des rochers de Samson. Dans cette ancienne fonderie, j’accueille des productions de différents vignobles. Je vinifie, j’embouteille et je commercialise mes propres bouteilles :  du vin rouge déjà, du vin blanc très prochainement et des bulles assez vite aussi.  L’équipe dont je me suis entouré est capable d’accepter encore d’autres vendanges à presser. On s’est équipés d’un très bon pressoir champenois qui peut produire un vin très transparent, sans dépôt.

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