DONNONS LA PAROLE A NOS PRODUCTEURS LOCAUX :

Entretien avec

Olivier Lefèvre : Producteur de l’apéritif De Bouche à Oreille

Olivier, pourquoi as-tu choisi ce métier et quel sens cela a-t-il pour toi ?

J’ai un parcours atypique. Cela fait environ 25 ans que je suis dans le secteur des produits artisanaux à titre complémentaire. A la sortie de l’unif, j’ai eu l’occasion de créer une société de produits artisanaux avec un copain. On faisait toute une gamme de produits : confitures, pâtes de fruits, vinaigre, … J’ai pu ainsi travailler directement après mes études. Je me suis vite rendu compte que le secteur des produits artisanaux était extrêmement enrichissant et intéressant, mais que financièrement cela restait compliqué. Il y a des choix à faire. Soit rester à un niveau artisanal comme petit producteur, soit commencer à investir, à engager et rentrer dans une toute autre philosophie. Je me suis rapidement rendu compte que je ne voulais pas rentrer dans un système où je devais investir et être tributaire des ventes. J’ai toujours eu d’autres activités qui me permettaient de vivre. Je fais l’apéro juste pour me faire plaisir !

Depuis 2017, j’ai recentré mes activités avec l’apéritif « De Bouche à Oreille », principalement pour une question de temps et d’énergie. Pour la petite anecdote, cet apéritif est né à l’occasion de mes 45 ans. Nous avons fait une fiesta ici « Au Petit Tonneau » avec un concert. J’ai relevé un défi en créant un premier apéritif et je me suis pris au jeu ! J’en ai créé un deuxième, ensuite une version bio. Puis j’ai investi un peu dans la marque et le marketing. J’ai participé à des foires, des salons, … C’est très intéressant ! J’aime bien toucher un peu à tout et relever des défis. J’aime avoir des activités diversifiées. D’autant que je travaille dans le secteur de l’informatique et dans le conseil qui, selon moi, sont deux choses relativement abstraites. Travailler les produits artisanaux c’est comme un retour à l’essentiel.

Cela m’a toujours intéressé d’avoir une activité qui me remettait un peu les pieds sur terre. Ce qui est motivant aussi, ce sont les retours d’expériences des restaurateurs qui travaillent l’apéritif et le mettent à la carte, le fait d’avoir un genre d’écosystème (restaurants, magasins, consommateurs, …) qui aime ton produit et entendre : « J’ai essayé ton cocktail, je l’ai fait avec tel ou tel ingrédient, c’était bon ! » Pour un producteur c’est une dynamique positive. C’est aussi une manière intéressante de rencontrer des gens, surtout lorsque tu es sur une foire. C’est assez sympa de partager avec les gens, et puis c’est très éloigné de ce que je fais au quotidien. En plus, ce n’est pas forcément dans ma nature. Cela m’oblige à être dans une autre démarche intellectuelle pour être dans un échange parfois plus philosophique.

Alors est-ce que j’ai choisi ce métier ? Je ne suis pas sûr. Je crois que c’est un concours de circonstances et au final, c’est peut-être le métier qui m’a choisi.
Olivier Lefèvre apéritif Le Bouche à Oreille

“Cela m’a toujours intéressé d’avoir une activité qui me remettait un peu les pieds sur terre.”

Le Bouche à Oreille

“Mon activité me permet de rencontrer d’autres producteurs, d’être au courant de leur réalité et problématique qui viennent enrichir mon autre parcours professionnel.”

Résilience

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton activité ?

C’est la diversité, parce que tu es au four et au moulin ! Passer de la production à la comptabilité, faire de la vente et des dégustations sur une foire ou un marché, c’est cette multiplicité d’activités différentes qui m’intéresse.

Il y aussi ce sentiment de valorisation avec tout l’aspect social, la reconnaissance et les retours d’expériences.

 Il y aussi la richesse des rencontres avec plein d’acteurs différents. Mon activité me permet de rencontrer d’autres producteurs, d’être au courant de leur réalité et problématique qui viennent enrichir mon autre parcours professionnel, axé sur le « Smart City » (Ville Intelligente). Je ne suis pas uniquement dans la théorie lorsque j’aborde avec les communes les questions de commerce local, de résilience ou de circuit court. Lorsque je fais une recommandation ou un exposé basé sur l’expérience c’est bien plus relevant et pragmatique. Rien de tel que d’avoir des contacts avec le terrain pour pouvoir être le plus pertinent possible sur les conseils.

Beaucoup de gens me disent : « On ne comprend pas comment tu fonctionnes ; tu es dans des domaines tellement différents. » En fait, ce n’est pas si différent que ça.  Il y a un fil conducteur qui, de l’extérieur, n’est peut-être pas si évident, mais à mes yeux il existe réellement : la résilience.

J’essaie de plus en plus de faire des projets qui allient mes deux activités et de voir dans quelles mesures des projets appuyés par le numérique peuvent aider le secteur local, une commune ou une région à être plus résilient.

Mon futur professionnel, c’est de trouver le plus de ponts possibles et de capitaliser sur mes différents réseaux professionnels pour être au service des villes et des communes avec une expérience réelle du terrain. Ainsi la boucle est bouclée.

Qu’aimerais-tu dire aux Wasseigeois ?

Le premier message que j’aimerais faire passer est, à mon avis, identique à tous les producteurs.

Je pense qu’il faut être fier d’avoir des produits artisanaux sur son territoire. Ce que nous demandons aux gens du territoire c’est d’être des ambassadeurs pour ces produits. Offrez ces produits en cadeau lors d’un événement familial ou autre. Il existe suffisamment de produits diversifiés et de producteurs sur le territoire pour faire cette démarche.

Après, je voudrais élargir la demande et inciter les citoyens à être beaucoup plus actifs sur leur territoire. Je dépasse un peu mon rôle de producteur local mais comme tout est lié, je pense qu’il faut aussi réfléchir sur sa capacité à se mobiliser. Nous avons tellement de défis à relever. Nous avons besoin de forces vives, de gens un peu utopistes qui s’engagent pour la collectivité. Et le circuit court est une des réponses parmi d’autres.

Nous avons chacun des compétences, des métiers, une expérience que nous pourrions mettre au profit de la collectivité et de son propre village. C’est compliqué de se mobiliser après une journée de travail et de mettre son énergie ou son temps au service de projets. Mais je rêverais qu’il y ait un groupe de citoyens qui se mobilise en disant : « Notre projet c’est que notre commune, notre village, notre quartier soit autonome en alimentation, en énergie, etc. ». Bref de vrais projets de résilience, ambitieux et innovants.

Il y a quelques années j’ai eu l’idée d’un projet d’intelligence collective qui pourrait illustrer mes propos.

Imaginez un petit producteur ou artisan qui désire lancer son activité. Il va se retrouver seul face à une manne de choses à mettre en place et de compétences à maitriser : plan financier, administratif, comptabilité, marketing, communication,… En fait, il doit être bon en tout. Et en plus, aussi bon que les grosses entreprises avec les mêmes obligations alors qu’il est seul. Alors qu’il y a des gens avec ces compétences qui ont un peu de temps pour aider. Il suffit d’une étincelle ; il suffit de les faire se rencontrer.

Au final, ce futur producteur va peut-être monopoliser deux, trois, quatre personnes : un jeune qui maitrise les réseaux sociaux, un retraité comptable, un chef d’entreprise,… 

Ils passent une soirée ensemble tous les deux mois ou trois mois. Le jeune entrepreneur fait le bilan et expose ses besoins ou problématiques. Il reçoit l’aide et les conseils du groupe pour avancer dans son projet. C’est tout simple ! Une soirée pour quelques personnes mais quels bénéfices pour l’entrepreneur. C’est typiquement le genre de projet qui ne demande pas un investissement énorme ou des réunionnites. Il faut juste un cadre et une coordination des offres et des demandes.

C’est ainsi qu’on voit qu’il existe des moyens, mais qu’il faut être innovant, attentif, engagé ; il faut que les gens s’éveillent.

“Je rêverais qu’il y ait de vrais projets de résilience, ambitieux et innovants sur notre territoire.”

apéritif Le Bouche à Oreille

<<<< interview précédente : Maxime Flamand – Ferme du Chant d’Oiseaux

interview suivante : Jean-Luc Dardenne – Pommeraie du Moulin >>>>