DONNONS LA PAROLE A NOS PRODUCTEURS LOCAUX :

Entretien avec

Valérie Bertrand : Transformatrice chez BOCALOCAL

Valérie, pourquoi as-tu choisi ce métier et quel sens cela a-t-il pour toi ?

Je transforme la nourriture mais j’aime aussi l’idée de transformer l’environnement et transformer la société dans laquelle je vis. C’est aussi une façon modeste de pouvoir qualifier mon apport à une société vers laquelle je veux tendre. bocaLocal, c’est un projet de transformation alimentaire mais c’est, avant toute chose, un prétexte pour commencer à parler d’alimentation et au sens plus large, de modèle de société dans lequel je souhaite vivre.

On voit que ces dernières années ne sont pas faciles. Nous traversons des crises successives et il est temps de réinterroger nos choix de consommation et notre pouvoir de citoyen. Avec bocaLocal c’est le moyen le plus pragmatique que j’aie trouvé. Parce que le contenu de notre assiette concerne tout le monde, plusieurs fois par jour.

J’ai choisi ce métier pour pouvoir œuvrer à un monde meilleur. En commençant par le « mieux manger » mais aussi, le mieux vivre au sens général. bocaLocal, c’est un prétexte pour s’interroger et se questionner sur comment on produit et ce que l’on mange. Mais surtout, c’est le plaisir que l’on a aussi à partager tout ça. C’est de ramener et recréer du lien entre les personnes. D’abord au sein d’un village, d’un quartier et de pouvoir simplement échanger, se parler, partager et trouver du plaisir à jardiner, à cuisiner et à être autour d’une table pour manger un repas et prendre un verre.

Donc c’est vraiment la recherche de liens et puis surtout… il y a l’autonomie ! Pouvoir faire les choses nous-mêmes, ne pas tout déléguer à l’industrie, aux supermarchés !  Mais de reprendre vraiment ce pouvoir, cette autonomie que l’on a trop longtemps perdue.

On a vu toutes les dérives et les scandales sanitaires qui ont eu lieu jusqu’à récemment.  C’est donc choisir nous-même ce avec quoi on se nourrit et ce avec quoi on nourrit nos enfants surtout.

Mon gros déclic il est là, lorsqu’on devient parent. Je pense que tous les jeunes parents ont cette interrogation: « Qu’est-ce qu’on mange et qu’est-ce qu’on donne à manger à nos enfants ? » Il y a toute la question du bio, du local et de l’éthique, … Toutes ces questions viennent se poser dans l’assiette et certaines sont éminemment politiques.

 

Valérie Bertrand Bocalocal

“J’ai choisi ce métier pour pouvoir œuvrer à un monde meilleur. BocaLocal, c’est un prétexte pour s’interroger et se questionner sur comment on produit et ce que l’on mange.”

bocaLocal

“Nous avons ici des plantes qui peuvent nous ouvrir des horizons exotiques en termes de goût et qui ressemblent fort à celles importées mais avec une empreinte carbone limitée.”

Transmission des connaissances

Quel sens cela a-t-il pour toi de faire cette activité ?

J’ai aussi choisi ce métier pour transmettre les connaissances que j’ai apprises. Cela n’a pas beaucoup de sens si je les garde pour moi toute seule. Mon intérêt est donc de mettre tout ça en partage, de brasser et de pouvoir faire circuler l’information. J’ai une formation de bibliothécaire-documentaliste et j’ai un grand intérêt pour la connaissance de manière générale. La connaissance n’a aucun intérêt si elle reste bloquée dans les livres. Elle doit pouvoir circuler.

C’est important pour moi de faire vivre les savoirs anciens qui étaient détenus naturellement.  Comme par exemple, des gestes de bons sens d’anti-gaspillage que nos grands-parents maîtrisaient par la force des choses. Nous avons un peu perdu tout cela avec notre travail à l’extérieur, avec l’industrie et la congélation par exemple. C’est pourquoi je donne aussi des formations, pour pouvoir remettre un savoir oral en circulation. En fait, plutôt que formations, je les qualifierais plutôt comme des ateliers de partage parce que j’y partage mon savoir et mon expérience mais j’estime que chacun a à partager son expérience par des souvenirs et des petits trucs qui peuvent être mis en pratique et être au service de tout le monde.

Ce qui a du sens aussi dans mon métier c’est de redécouvrir vraiment notre terroir. On a la chance d’être dans un milieu tempéré donc diversifié. D’être dans une région située entre le Condroz et la Hesbaye où les terres sont fertiles et où ça pousse bien avec parfois des surprises. Comme par exemple des épices que l’on va chercher au bout du monde alors qu’elles sont là ! Nous avons ici des plantes qui peuvent nous ouvrir des horizons exotiques en termes de goût et qui ressemblent fort à celles importées mais avec une empreinte carbone limitée. Voilà pourquoi j’ai choisi ce métier, découvrir et faire découvrir toutes ces saveurs.

Q&R

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton activité ?

La diversité ! Je découvre la casquette entrepreneuriale et ce n’est pas du tout inné chez moi. Cela me demande un effort sur certaines choses. Je pense par exemple à la communication sur mon activité où je ne suis pas très douée. Et aussi, la comptabilité qui ne m’emballe pas du tout ! Mais cela fait partie du métier. En même temps, c’est quelque chose de chouette parce que je ne fais pas uniquement de la production de bocaux ou de la cueillette qui sont les aspects que je préfère.

Mon travail est très varié avec ponctuellement de l’administratif, mais ce qui me plaît c’est le travail de réflexion. J’aime le côté conceptuel. J’adore les rencontres et aller au contact direct des consommateurs via les marchés, les ateliers, …  

Il y a aussi les balades dans la nature à la recherche de plantes. Des fois, je suis perdue dans mes pensées, en pleine forêt, occupée à cueillir et je me dis : « Je travaille là, c’est quand même le grand luxe !!! » Donc voilà, c’est la diversité qui me plaît ainsi qu’être en contact avec le vivant et la nature.

Dans la transformation, il y a une forme d’alchimie quand on passe du produit brut à quelque chose qui peut être dégusté par la suite. Enfin, faire déguster et faire découvrir ces préparations végétales est un vrai plaisir.

Mes principaux ingrédients sont l’Amour et la Conscience que je mets dans chaque étape de mon travail !

“Mes principaux ingrédients sont l’Amour et la Conscience que je mets dans chaque étape de mon travail !”

chutney de chez bocaLocal

Qu’aimerais-tu dire aux Andennais ?

Qu’on a besoin d’eux et que c’est avant tout pour eux que l’on travaille. Je suis citoyenne et habitante d’Andenne et je travaille pour mettre ça au service de mes voisins et des citoyens du territoire. Cela prend tout son sens quand c’est ancré dans une économie locale, plutôt que d’aller chercher un produit importé généralement produit par des grandes entreprises qui n’ont d’autres soucis que le profit. Quand on sait que lorsqu’on soutient un artisan, on soutient sa famille et le tissu de partenaires qu’il y a autour, cela a du sens. Quand on achète un produit local parce qu’on soutient toute la philosophie qu’il y a derrière, aussi. Cela veut dire que l’on prend soin de la nature, du vivant parce que derrière, il y a toute une réflexion sur comment on cueille, comment on transforme et la qualité des produits que l’on offre. On prend soin de l’environnement et dans mon cas précis, je prends soin de votre santé puisque je travaille avec de bons produits où il y a une attention à tous les niveaux.

Donc oui venez, parce qu’effectivement c’est très difficile pour le moment. Après les crises sanitaire et économique que l’on connaît, la réalité des producteurs au quotidien est difficile. On sent tout le soutien moral mais, nous avons malgré tout besoin d’un soutien financier qui nous permette non seulement de continuer nos activités mais également de pouvoir offrir ce type de qualité que l’on souhaiterait pour tout le monde.

Je partage mon inquiétude de voir les commerces et les marchés se vider. C’est un constat que l’on partage tous. Au travers de ceux que j’ai rencontrés, en Wallonie en tout cas. Il y a eu la crise du covid ou certaines personnes sont arrivées chez nous et puis sont reparties on ne sait pas trop où. Je pense que notre pouvoir d’achat diminue. Nous nous inquiétons aussi de savoir s’il y a une réelle prise de conscience et si elle est suffisamment profonde que pour changer nos comportements. Nous avons bien conscience que ce n’est pas facile et nous sommes preneurs de toutes les idées et suggestions qui peuvent faciliter la vie et répondre à vos attentes. Nous savons que cela prend du temps d’aller chez tous les producteurs. C’est pourquoi nous avons mis en place le marché des producteurs  « Les Halles des Ours », le samedi matin à Bonneville. Il y a aussi d’autres initiatives comme par exemple la COOF à Fernelmont qui propose également un marché hebdomadaire. Une nouvelle initiative devrait voir le jour à la Ferme Miss-Terre (ancienne Ferme Libois), à Landenne, dès le printemps 2023.

Ces marchés naissent de la volonté de vous proposer des points de vente réunissant des produits de qualité à un seul endroit. Nous avons aussi (surtout !) à cœur de proposer des lieux de rencontre, de fête où la convivialité et la création de liens sont au cœur de nos actions.
Soyez toutes et tous les bienvenus, ces espaces sont les vôtres !  

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